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Saisissante, Zaho de Sagazan a bouleversé la chanson française, imprimant sa marque unique pour l'emmener ailleurs. Forte du succès de son premier album, "La symphonie des éclairs", elle lui offre sept nouveaux titres qui, telle une parure, bouclent parfaitement le projet.
Fanny GuillaumeJournaliste
- Publié le 27-10-2024 à 05h00
Rencontrer Zaho de Sagazan, c'est comme retrouver une vieille copine qu'on n'a pas vue depuis longtemps et reprendre la conversation là où on l'avait laissée. Naturellement. En proposant une nouvelle édition à sa Symphonie des éclairs, elle achève aussi tout naturellement, la conversation qu'elle avait entamée avec le public. Sept titres d'une pertinence et d'une beauté confondante dont elle nous a parlé avec la passion qu'on imaginait.
Vous revenez avec sept nouveaux titres, ce qui est très généreux. Pourquoi ne pas avoir tenté l'album complet ?
C'est vrai que si j'en avais ajouté trois, on aurait eu un album entier mais ces sept chansons font partie de La symphonie des éclairs et pas d'un deuxième album. Elles viennent compléter le portrait que j'avais esquissé. C'est une façon de terminer le projet qui n'était pas totalement fini.
Sur cet album, il y a "Ô travers", une chanson qui résume assez bien ce que vous êtes ?
Les travers permettent d'avancer, de se déployer. Les connaître, ça permet d'être bien dans sa peau. Moi, j'ai la chance d'être de traviole mais de me sentir vraiment à l'endroit ! Après, j'ai une famille aussi un peu comme ça. On nous a toujours incités à être de traviole, à être un peu chelou. Tant qu'on était gentil et bien intentionné, on nous disait : "Soit bizarre, c'est très bien !". C'est une chanson qui veut dire deux choses : d'abord qu'on est tous de traviole et que ce n'est pas grave et puis, c'est une invitation à l'introspection. Arrêtons d'essayer de mettre les pieds droits parce que ça ne marche pas. Et personne n'y croit. En écrivant des chansons, j'ai un peu fait cette expérience d'introspection permanente. Quand j'écris Dis-moi que tu m'aimes, par exemple, c'est vraiment une chanson sur moi, sur mon incapacité à concevoir qu'on puisse m'aimer. Mon corps, parle aussi d'un de mes travers : ma difficulté à accepter mon corps. Écrire m'a énormément aidé à maturer, à comprendre beaucoup de choses et à m'accepter beaucoup plus. Donc voilà, c'est une invitation à tous danser de travers. De toute façon, les humains ne sont pas faits pour être bien rangés dans des cases.
Il y a un très beau duo avec Tom Odell, "Old Friend". Qui est cet ami dont vous parlez ?
Old Friend, c'est une déclaration d'amour à des amis d'un genre un peu particulier : ce sont ces compagnons de vie, ces vieilles amies qui ne sont pas au courant que ce sont vos amis mais qui sont extrêmement importants dans votre vie. Ils peuvent être romancier, musicien, artistes… On les invite quand on est seul, quand on a envie d'être avec eux. Pour moi, ce compagnon de vie c'était Tom Odell, j'étais et je suis toujours d'ailleurs, une grande fan. À chaque fois que je l'écoute, je me dis, je ne saurais pas expliquer pourquoi je l'aime tant. Avec lui, c'est différent : il a des clés, il a compris…
J'ai eu la chance de le rencontrer et on est devenus très amis. Mon "compagnon de vie" s'est transformé en un vrai ami, ce qui est assez rare. Là où je trouve que la chanson est très jolie c'est que j'ai écrit, moi, ma partie avant de le rencontrer. Et je l'ai laissé faire la deuxième partie, après que l'on se soit rencontré. C'est en même temps une déclaration d'amour pour tous et une déclaration d'amitié. C'est une chanson sur le fait que l'on rencontre des gens et que l'on sait dans la seconde qu'ils vont devenir nos amis pour la vie.
Vous êtes sans doute devenue un "compagnon de vie", vous aussi…
Oui, j'en ai conscience : la petite Zaho qui a été portée par des millions de compagnons, devient à son tour aussi un compagnon pour d'autres gens. C'est une chanson un peu là-dessus.
J'ai la chance d'être peut-être de traviole mais de me sentir vraiment à l'endroit!
Pourquoi ne retrouve-t-on pas sur cette édition, la fantastique reprise de "Modern Love" de David Bowie que vous aviez offerte à Greta Gerwig lors de l'ouverture du Festival de Cannes ?
Ce n'était même pas envisageable que Modern Love figure dans mon premier album ! Ça n'avait aucun sens : elle n'a rien à faire au milieu de mes chansons. La symphonie des éclairs, c'est tout un univers qui raconte l'histoire d'une petite fille de traviole, qui petit à petit va comprendre ce qu'elle est, découvrir la vie et se découvrir elle, en découvrant la musique.
Entre la sortie de l'album, les festivals, la tournée américaine, le Festival de Cannes, la cérémonie de clôture des Jeux olympiques, la tournée européenne… Est-ce qu'à un moment, vous vous offrez le luxe de vous poser ?
Je viens de prendre ma première semaine de vacance depuis deux ans et c'était vraiment sympa ! C'est vrai que je ne fais que travailler mais j'ai la chance d'adorer mon travail et les gens avec lesquels je bosse. J'ai aussi la chance d'avoir 24 ans et plein d'énergie. Mais je reçois tellement de propositions et comme je suis très gourmande, j'ai envie de tout faire. La tournée va s'arrêter en fin 2025 et là, c'est certain, on ne va pas aller plus loin. J'avais très peur de la fin de la tournée mais je commence à me dire que cette année de pause que je prévois va être vraiment sympa. Je vais sûrement prendre plein de cours de danse, de musique et retrouver une routine, lire un livre, le dimanche soir.
Est-ce qu'au milieu de tout ça, il n'y aurait pas des envies de cinéma ?
J'aimerais beaucoup ! Depuis Cannes, j'ai reçu beaucoup de propositions. Là, pour l'instant, je ne peux pas parce que je n'ai pas le temps. J'ai un peu une envie de toucher à tout dans la vie. Un des drames de ma vie, c'est de me dire que je ne pourrais pas tout faire. Et l'exercice de l'acting me plairait. Par contre, je déteste mal faire donc il va falloir que je prenne des cours de théâtre parce que le cinéma demande beaucoup de subtilité. On pourrait croire que le fait d'être beaucoup dans le théâtre sur scène, ça suffit mais pas du tout !
Vous concluez l'album sur "L'Envol", une façon de boucler la boucle ?
C'est une chanson qui, effectivement, me représente. J'ai pensé à la petite Zaho de 13 ans qui est devenue obsédée par son piano et qui s'est dit : "Je vais faire des grandes chansons !". C'est une chanson sur l'apprentissage. Elle dit que la seule manière d'apprendre, c'est de faire. Et s'il y a bien un truc que moi j'ai compris, c'est ça. J'ai appris à écrire des chansons en faisant des chansons. J'ai appris à faire de la scène, en montant sur scène. Je suis devenue chef d'entreprise sans avoir la moindre idée de comment on le devient... Mais dès qu'on essaie, qu'on bosse, qu'on est bien entouré, qu'on le fait avec les bonnes raisons, on y arrive. J'ai la chance d'avoir les parents que j'ai eus, cet entourage qui m'a toujours incité à faire, à m'exprimer, à essayer. Il y a des gens qui n'ont pas cette chance-là. Des gens auxquels on a juste dit qu'ils devaient fermer leur gueule. Ça en incitera peut-être à s'envoler: peut-être que moi, juste avec ma chanson, je peux les inciter et devenir ce compagnon de vie que j'évoquais tout à l'heure. Mais on peut s'envoler de plein de façons : s'envoler, c'est surtout oser s'éloigner de ses racines. Ça fait peur, c'est terrifiant. Il y a beaucoup de tendresse dans cette chanson. Je pense à la petite Zaho et à toutes les autres petites Zaho qui ne peuvent pas être ce qu'elles sont pour des raisons qui ne sont pas valables.
"La symphonie des éclairs (Le dernier des voyages)" - En concert à l'ING Arena (Bruxelles), le 24 novembre.
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